Paola Masino – La Massaia
traduit par Marilène Raiola
Editions de la Martinière
Prix 20,90 € – ISBN : 978-2732485928 – Parution : 30 aout 2018 – 352 pages

Avec La Massaia, écrite sous l’Italie patriarcale de Mussolini, Paola Masino brosse un tableau tragi-comique du mariage et de la condition de la femme, dont le rôle ultime (et unique) serait celui de mère au foyer. Pour avoir osé s’attaquer aux institutions et aux valeurs exaltées par le fascisme, elle voit son livre soumis à la censure. La version qui sera publiée en épisodes dans une revue, entre 1941 et 1942, sera considérablement expurgée. Deux ans plus tard, alors que les prestigieuses éditions Bompiani s’apprêtent à le faire paraître en un seul volume, nouveau rebondissement : un bombardement détruit l’imprimerie milanaise et, avec elle, tous les exemplaires du livre. « C’est un livre maudit » dira Paola Masino. Il ne sortira qu’en janvier 1946, l’auteur ayant dû reconstituer de mémoire l’édition d’origine.
Pour la critique de l’époque, La Massaia fascine autant qu’elle déroute. À la façon du héros du Baron perché de Calvino qui voulait passer sa vie sur la cime des arbres, la jeune fille du roman vit… dans une malle, dont elle ne sort jamais. Celle-ci lui sert de « lit, d’armoire, de chambre ». L’héroïne, totalement négligée, devient sale, repoussante, davantage absorbée par ses questionnements sur le sens de son existence que par son apparence. Jusqu’au jour où les différentes pressions sociales et familiales ont raison d’elle : elle consent à sortir de son abri. C’est alors qu’advient sa « vraie naissance » – du point de vue des autres, du moins. Mariée à un vieil oncle, elle s’applique à rentrer dans le rang, et devient une parfaite maîtresse de maison.Une Massaia : mot italien qui désigne tout à la fois la femme au foyer, la gouvernante, la fée du logis…

Voici une petite fille qui a décidé de ne rien faire comme tout le monde. Elle a choisi de vivre… dans une malle. Oubliée de sa famille et de la société, entièrement absorbée par ses questionnements sur le sens de l’existence, elle ignore les devoirs qui incombent à toute femme. Car, sous l’Italie fasciste – où l’on devine que se situe le roman –, les femmes sont assignées au mariage et à leur foyer :  » Des enfants, des enfants !  » assénait Mussolini.
Sale, repoussante, cette étrange créature fait le désespoir de sa mère. Jusqu’au jour où elle cède à ses suppliques : adolescente, elle sort de la malle.
Dans une riche propriété, la jeune fille mariée, entourée de domestiques, semble renoncer à ses idéaux, et tente à tout prix de devenir une parfaite maîtresse de maison : une Massaia.À l’instar de son héroïne, Paola Masino (1908-1989) fut une femme moderne et émancipée, très critique à l’égard des valeurs réactionnaires du fascisme. Intellectuelle d’avant-garde, figure des cercles artistiques et littéraires du XXe siècle, elle fit scandale dans son pays par sa liaison avec l’écrivain Massimo Bontempelli, séparé de son épouse et de trente ans son aîné. Francophile, elle fut aussi la traductrice en Italie de Barbey d’Aurevilly, Balzac ou Stendhal.

Ce seront les rééditions ultérieures du livre (1970, 1982…) qui transformeront le destin de ce livre. Salué en Italie et à l’étranger (Allemagne, Etats-Unis…) pour son originalité et sa modernité, il constitue une sorte de comète dans le firmament éditorial italien. Sa publication inédite en France résonne comme la découverte d’un chef-d’œuvre inconnu. Les éditions de la Martinière Littérature en ont acquis les droits mondiaux.