Lauren Beukes, auteure sud-africaine fait partie de ces auteurs de talent qui n’hésitent pas à prendre des risques en changeant de style d’un roman à l’autre. Son dernier roman, Monstres publié aux Presses de la Cité, dont l’action se déroule à Détroit est passionnant à plus d’un titre. Ce roman anti-conformiste pousse le lecteur à vivre une expérience inédite. Découvrez l’entretien de cette auteure à la personnalité solaire

Depuis qu’elle travaille à Detroit, département des Homicides, l’inspectrice Gabriella Versado ne s’était jamais trouvée face à une telle monstruosité : un jeune garçon mutilé, le haut de son corps mêlé aux membres inférieurs d’un cerf. Profondément remuée, Gabi se lance à la recherche du macabre sculpteur. Pendant ce temps, sa fille, Layla, qu’elle délaisse trop souvent, se met en tête de débusquer des pervers sur Internet avec sa meilleure amie. Sa mère ne se doute pas un instant que l’adolescente est à deux doigts de tomber entre les mains du psychopathe, un fou qui se rêve artiste… Lauren Beukes construit avec virtuosité une intrigue policière qui nous dévoile le destin d’une poignée de personnages perdus dans la vie, errant dans une métropole en plein déclin. Bienvenue à Murder City.  » Quelle brillante et fantasmagorique intrigue policière !  » James Ellroy  » Hypnotique et aussi effrayant que l’enfer.  » Stephen King

Comparée à des écrivains aussi prestigieux que William Gibson, Aldous Huxley ou encore George Orwell, dont on dit qu’elle assure brillamment la relève, Lauren Beukes s’est fait connaître pour ses romans d’anticipation avant de se lancer dans le thriller. Après Les Lumineuses( » Sang d’encre « , Presses de la Cité, 2013), elle confirme aujourd’hui son talent avec Broken Monsters et s’impose comme une nouvelle figure du roman policier contemporain.

« Monstres » de Lauren Beukes
Traduction Laurent-Philibert Caillat
EDITIONS PRESSES DE LA CITE
Prix : 22,55 € – ISBN : – 978-2-258-11636-8 –  Parution : 4 juin 2015 – 554 pages

Lauren Beukes -Monstres2

LAUREN BEUKES (Part.1) LAUREN BEUKES (Part.2)

Traduction des meilleurs moments de l’entretien

LECTURAMA – Quand j’ai lu votre roman, j’ai pensé immédiatement à la Bande Dessinée. Quand j’ai vu votre parcours professionnel, notamment comme scénariste de BD, les choses ont pris forme dans mon esprit. Est-ce que ce roman est une émanation de la BD ?
Lauren BEUKES  Au début c’était effectivement une proposition destinée à la BD. Et j’ai réalisé que je voulais en faire un roman.

L – Comment avez-vous imaginé mélanger art et crime dans ce roman ?
L.B.-
Ce sont des choses qui m’ont toujours intéressées. Les crimes par essence sont le révélateur de sujets, de problèmes dans le monde et plus particulièrement une zone de fracture dans notre société. On voit clairement ce qui affecte les gens ainsi que le « Système » dans sa globalité. Pendant très longtemps cela m’a passionné. L’art constitue également une grande et viscérale compréhension que l’on peut avoir du monde. J’avais emmené ma sœur qui s’intéresse de près à l’Art et ma fille à une exposition. Je me suis rendu compte que tout vient des tripes. Nous avons contemplé un tableau représentant une femme dans sa peine allongée sur un lit qui était entouré de flammes. J’ai interrogé ma sœur sur la signification de ce tableau. Ma sœur m’a expliqué que les flammes représentaient sa peine. C’était une parfaite compréhension de l’Art qui délivre des émotions provenant des tripes. Cela m’a inspiré et j’ai observé quel type d’art captivait le monde. Je me suis rendu compte que cette expérience était la confrontation d’une représentation de l’artiste du monde et la nôtre.

L – Pourquoi avoir choisi une anti-héroïne ?
L.B. – 
Je trouvais intéressant de montrer une femme aux prises avec sa vie professionnelle et sa vie privée.

L – Pourquoi avoir voulu aborder le thème de l’adolescence ?
L.B.- 
Les réseaux sociaux véhiculent souvent des messages anonymes de haine à l’encontre de  ces adolescents provenant de ceux-là mêmes qui n’ont aucune responsabilité. Ces messages générant des humiliations ou provoquant des appels aux viols par des gangs (comme cela s’est passé au Canada) et en mettant sur ces réseaux sociaux des vidéos humiliantes. Je voulais montrer l’insupportable. Un monde irréel mais terriblement réel pour ces adolescents. A côté du nombre de « likes » attendus, il y a une terrible réalité qui constitue la face sombre des réseaux sociaux.

L – Comment avez-vous fait pour rencontrer toutes ces corporations pour réaliser vos enquêtes à Détroit ?
L.B. C’était facile grâce à une amie de ma tante, une femme fabuleuse qui m’a fait visiter la ville. Mais je voulais voir la face cachée de Détroit. J’ai découvert un jeune homme à la coupe rasta charmant qui s’est prêté au jeu de me faire découvrir sa ville d’une autre façon. J’ai rencontré cette taxidermiste magnifique qui avait empaillé un kangourou. Mais le plus difficile fut d’entrer en contact des « homicides detectives ». J’ai envoyé des mails, j’ai téléphoné mais en vain. C’est alors que j’ai eu l’idée d’utiliser Twitter demandant de l’aide pour contacter les « Homicides detectives ».Puis un flic de Chicago s’est manifesté pour contacter un flic de Detroit à la retraite. Je l’ai invité à déjeuner m’assurant qu’il n’y aurait aucun problème. Il m’a mis en contact avec une stagiaire Janice. Lorsque je suis revenu la 2e fois, un ami m’attendait avec un van qu’il avait loué. Et j’ai pensé immédiatement que ce véhicule serait le » van de la mort » de mon roman. Mon ami m’a dit « mais c’est un corbillard ». J’avais trouvé mon idée.

L – Pourquoi mettre votre lecteur dans une situation inconfortable ?
L.B.– C’est exprès. Je veux que le lecteur soit pris dans l’histoire et ressente la frustration des personnages. Le lecteur ne dispose de moins d’informations. Il n’est pas stupide et je voulais éviter les conventions traditionnelles d’écriture détaillant au maximum les situations. Clairement le lecteur doit être intelligent.

L – Avez-vous choisi Detroit parce c’est le cimetière de « L’American Dream » ?
L.B.– Oui mais c’était aussi son début. Il y a de belles images attachées à ces usines abandonnées, clairement de l’Art qui s’exprime dans ces ruines, presque apocalyptique. Ce n’est pas le PArthenon, c’est nous, là maintenant.